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5 janvier 2007 5 05 /01 /janvier /2007 20:02

 

 

 

 


Le p'tit Monde de Don Le Cornec 

    Registre-copie-1.jpg

Depuis sa venue sur terre, l'homme, grâce à son génie, (parfois hélas bien mal employé), n'à cessé d'inventer toute sorte de machine capable de le transporter, de l'emporter au plus profond des mers, autour de notre bon vieux globe et pour les plus privilégiés à la conquête planétaire.

Cependant, malgré les technologies les plus avancées capable de ces prouesses, aucune invention n'est encore à ce jour parvenue à projeter l'homme dans le temps et à lui faire revivre l'époque des Nobles Seigneurs et Gentes Dames. Preuve que le temps perdu ne se rattrape pas.

Ce genre de promenade à travers les siècles demeurera hélas (car je suis acheteur du premier billet) du domaine de la fiction.

Pourtant l'être humain semble de plus en plus préoccupé à rechercher ses origines, à explorer ses racines qu'il tente de mettre au grand jour, en creusant aussi profond que possible avec l'outil de la généalogie.


Dans ce domaine, de considérables progrès sont actuellement effectués grâce au micro-filmage des archives, en cours de réalisation par les Mormons; qui pour cinq Dollars par film, permettra au Mairie équipée de lecteur de micro film, de vous faire découvrir rapidement l'aïeul recherché, en préservant ainsi les archives de manipulations destructrices.

 

Le registre de baptême de la commune de Lanloup date de 1467 et se trouve être, l'un des joyaux nationale. (photo J-Y R)

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La caverne d'Ali baba

Il existe cependant un lieu qui permet de remonter en douceur le temps et de recevoir dans certaine occasion une dose de rayonnement émotionnel.

Ce monde du silence dont j'ai poussé les portes, n'est autre que le monde des Archives Départementales des Côtes D'Armor, installées depuis Juin 1988, rue François Merlet à Saint-Brieuc, endroit fréquenté par les historiens de divers degrés.

C
ette caverne d'Ali baba renferme bien des trésors, dont l'un des joyaux est une pièce d'archive paroissiale du XVème siècle, appartenant à la commune de Lanloup. Ce registre se trouve être l'un des plus vieux de Bretagne, de France, voir même d'Europe?

M. Alain Droguet, directeur des archives départementales à l'époque, m'avait aimablement reçu et conté la fabuleuse histoire de ce registre.

 

Encollage d'une double mousseline de soie, servant à renforcer le document. (photo Archives Départementales)

Ce n'est pas sans émotion, sans respect, que l'on s'en approche, qu'on le découvre et qu'on contemple ce manuscrit de petite taille, à la couverture de bois de châtaigner, articulé par un nerf de peau, qui enferme jalousement la vie paroissiale de la commune de Lanloup de l'an 1467 à 1505, tout au long de 30 feuillets rédigés en Latin, dont 7 ont malheureusement disparus.

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Faciliter les procès canoniques

Les patientes recherches de M. René Couffon, vice-président de la société d'Emulation des Côtes Du Nord (à l'époque), ont permis de signaler pour la première fois l'existence de ce registre, ce qui classe le département au nombre de ceux qui possèdent les plus anciennes collections d'état civil.

Ce sont des ordonnances épiscopales qui ont provoqué l'existence des plus anciens registres de baptêmes, la tenue de ces registres pouvait éviter d'énormes difficultés lors des procès canoniques.

L'évêque de Nantes, prit le premier cette mesure en 1406, puis celui de ST-Brieuc en 1421, suivit de celui de Dol vers 1445, dont relève la paroisse de Lanloup.

Les archives de la Mairie bien que, fort bien tenues, étaient entreposées dans un local exigu que ne permettait pas de réserver la place nécessaire aux documents anciens, il règne toujours dans ces cas des risques de toutes sortes, graves pour de telles pièces précieuses.

Les feuillets pris en sandwich entre les mousselines de soie, sortant de la presse. (photo Archives Départementales)

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Ces feuillets étaient d'ailleurs disséminés en plusieurs endroits, certains pliés en deux avaient dû servir de page de garde pour d'autres archives.

M. Pierre Le Cornec, Maire de Lanloup, fut sensible aux arguments de M. François Merlet, archiviste venu découvrir ce bijou et le Conseil Municipal consentit, par délibération du 1er août 1926, à faire déposer aux archives départementales le dit registre et l'ensemble des registres de la paroisse. Ce qui fut fait le 5 juillet 1927, un an après.

Anciennement relié entre deux ais qui protégeaient ses parchemins, on constate que le foliot 37, porte à son verso la mention FIN, il manque les 6 premiers feuillets et le 29ème. Il est cependant heureux que ce registre ait été écrit sur parchemin car, à ce jour il n'existerait plus. Le papier devenant très friable sous l'action du temps et de l'humidité.

 

Couture sur nerfs du document à l'ancienne, sur le cousoir. (photo Archives Départementales)

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Des menaces d'excommunions

C
'est peut-être un miracle de posséder de nos jours cette pièce quand on songe aux nombreuses causes de destruction qui auraient pu l'anéantir depuis plus de cinq siècles.
Un miracle? Bien que le terrain soit propice, peut-être pas. Tout comme la malédiction veille sur le tombeau du Pharaon Toutankhamon, les menaces proférées par le curé de l'époque François Le Cornec, ont porté aussi leurs fruits, ce qui a peut être permis à ce registre de traverser les siècles sans trop d'embûches.


Une mention portée en tête de la page 31 indique ceci (recopié fidèlement) :

<< Ce présant registre, apartient alla fabrice de la paroisse de Sainct Loup, esvesché de Dol. Quy le trouvera, sy perdu est, sera condamné le rendre au curé de ladite parroisse ou au fabricque d'icelle, a peine d'estre escommunyé.
Le 8è jour d'austz mil V. cents quattre vingtz F. LE CORNEC, curé >>

Remercions au passage l'excellente initiative de M. le curé, car le registre suivant date de 1590.

Le plus ancien des feuillets débute par un acte du 24 août 1467 et le plus récent fut terminé en 1505, après Pâques. Le nombre de baptême variait de 0 à 16, on présume que ce registre à du être ouvert au moins dès 1465. Avec précision sont donné les noms et prénoms du baptisé, ceux des parents, du prêtre, des parrains, marraines et la date exacte. Soulignons au passage qu'à l'époque et encore au XVII ème siècle, l'usage était de donner au garçon deux parrains et une marraine et l'inverse pour une fille.

 

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Document cousu prêt à passer en corps d'ouvrage (ais de bois). (photos Archives Départementales)

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Sur 51 de ces actes, on remarque que 16 enfants sont originaires de Plouha, 11 de Plouézec et 1 de Pléhédel, soit plus de la moitié sont étrangers à la paroisse de Lanloup. Les habitants de ces agglomérations venaient baptiser leurs enfants à Lanloup car le bourg était beaucoup plus accessible que celui de leur propre paroisse, surtout l'hiver.

Il
est incontestable que pour les généalogistes, ces registres sont dès plus précieux car ils donnent différentes écritures des noms de lieux, des hameaux, châteaux et une mine considérable de renseignements concernant les familles.

V
oici quelques familles nobles ou notables du pays :

Du Boisgelin, de Botloy, Buder, Couffon, Johan, Kerbimon, Kérégant, de Kerenen, de Kergozou, de Keriolier, de Kernenenoy, de Lanloup, le Picard, de la Noé Verte, du Quellenec, de Quoetguezenec, de Quoetmen, de Quetqueneron, Raison, Rolland, de Trougouff.

On y trouve également la liste des recteurs, curés et autres prêtres résidants dans la paroisse, les prénoms d'usages, donc les Saints honorés à l'époque. Il fournit une donnée très curieuse au sujet de la date de l'année à laquelle changeait le millésime, soit à Pâques ou à Noël. On y trouve consigné dans ce genre de registre des faits anecdotiques relatant les épidémies, inondation, le passage d'une comète etc. De nos jours les nombres de naissances et de décès sont utilisés comme renseignement statistiques divers, en particulier sur la densité et le mouvement de la population.

 

                                            Une très belle restauration. (photo Jean-Yves Rolland)

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18 000 F prix d'ami

60
ans après son dépôt aux archives départementales, en juillet 1987, M. Alain Droguet, décide de faire procéder à la restauration du registre de Lanloup. Certain feuillet n'étant plus qu'en état de fragment, il contacte les archives nationales qui d'ordinaire n'effectuent aucune restauration pour le compte des archives départementales.

M
ais, Lanloup est déjà connu à Paris, car le registre fut présenté en 1959 lors d'une exposition consacrée à l'histoire de l'état civil. Compte tenu de l'intérêt de cette pièce et à titre exceptionnel, ce document étant considéré comme l'un des plus prestigieux du patrimoine national, sa restauration fut entreprise pour la somme de 18 000 F. 

M. Droguet, qualifie cette somme de prix d'ami et de cadeau, car dans un atelier privé la restauration aurait été de moins bonne qualité et bien plus onéreuse, la reliure ayant été réalisée selon les techniques du moyen âge
.

 

Monsieur Alain DROGUET, ancien Directeur, des Archives Départementales de Saint-brieuc. (photo Jean-Yves Rolland)

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Ce registre qui reste la propriété de la commune de Lanloup, est enfermé dans un carton neutre sans risque d'agression pour la restauration et entreposé dans un magasin tenu à température et à un degré d?hydrométrie constant , soit : 18° et 55% d'humidité, ce qui lui assure une parfaite conservation.

I
l lui arrive cependant de voir le jour pour les grandes occasions, comme lors de l'inauguration des locaux des archives départementales en 1988 ou il fut entre autre présenté à notre ministre de la culture Jacques Lang, il est également sorti lors d'exposition du service éducatif.

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                                                   L'une des plus belle page du registre.
D
'un âge plus que respectable on comprend aisément qu'il est à manipuler avec grandes précautions.

C'est un fabuleux voyage à travers les siècles que m'a offert M. Droguet, que je remercierais jamais assez, de son aimable accueil, de m'avoir permis de prendre en mains ce trésor appartenant à ma commune, pour le prêt des photographies des différentes étapes de la restauration de ce registre, ainsi que pour la communication des mémoires de M. François Merlet, son prédécesseur, qui m'a permis de vous faire partager aussi précisément que possible, ce beau voyage à travers les siècles. 


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Musique d'Alan STIVELL
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