Souvenirs du p'tit train déjà 100 ans !
Il était une fois dans l'Ouest...
Encore haut et en couleur
Le petit train des Côtes Du Nord est entré dans la légende au terme de son ultime voyage sur la dernière ligne en service, St-Brieuc Paimpol, le 31 Décembre 1956 après 50 ans de bons et loyaux services.
Locomotive Corpet Lovet N° 39 en gare de St-Quay-Portrieux
Il a gagné une retraite heureuse dans un musée et un respect bien mérité, un demi siècle après il est toujours d'actualité, faisant ressurgir du fond des mémoires sa silhouette noire crachant un gigantesque panache de fumée parsemé de délicates escarbilles, qui n'a pas étouffé les bons souvenirs du temps passé.
Ah... les années folles, elles ne manquaient pas de panache !
Ce petit train a commencé sa carrière en 1905. A l'époque le département ne comptait que 85 véhicules. Le petit train a rendu bien des services avant d'être détrôné, en 1956, par les automobiles de plus en plus nombreuses.
Dans toutes les gares
Il n'était pas fier ce petit train, il s'arrêtait ainsi dans toutes les gares. Les 452 km de voies ferrées qui desservaient les Côtes-Du-Nord le faisaient traverser les campagnes, mêmes les plus petites communes avaient une gare pour l'accueillir. Mais il avait quand même du caractère et rappelait à l'ordre par quelques brefs coups de sifflets les voyageurs en retard.
Grâce à M. Hervé COSSE, Lanloup a toujours sa gare !
Des viaducs furent édifiés rien que pour lui sous la direction de l'ingénieur Louis Auguste De La Noé. Le petit train franchissait ainsi d'impressionnantes vallées. Aujourd'hui bon nombre de ces ouvrages ont disparu, laissant un vide dans le regard des habitués, tel le viaduc qui enjambait la vallée de Bréhec.
A toute vapeur, le p'tit train sur le viaduc de Bréhec
Le petit train n'a pas toujours eu la vie rose. Il a connu un déraillement le 28 août 1909. Mais qui dans sa vie n'a jamais effectué un petit écart ? Tout le monde ne peut avoir une ligne de conduite irréprochable. Un journal de l'époque relate le fait :
Peut-être un acte de sabotage ? !... Ce cliché m'a été aimablement prêté par M. Alain Cornu, auteur du livre '' Petit train de Côtes-Du-Nord '', publié aux éditions Cenomane, 1 rue Auvray, 72000 Le Mans.
Dimanche soir, à 7h50, le train supplémentaire départemental (locomotive CF-CN. numéro 18) filant sur Plouha, dans lequel se trouvaient peu de voyageurs, a déraillé à l'aiguillage du Petit Paris, distant de 1200 mètres de la grande gare. La locomotive et le fourgon sont sortis des rails et retombés sur le côté gauche. La locomotive est partiellement abîmée. Le mécanicien Le Merle et le chauffeur Thépault, 36 ans, ont fait preuve de beaucoup de sang-froid dans la circonstance.
Seul, Thépault a été blessé à la jambe. Il se plaint également de douleurs internes. Le conducteur du train se trouvait dans le fourgon au moment de l'accident; il a été violemment projeté à terre et s'est relevé sans aucune blessure. On attribue ce déraillement à une pierre posée dans le contre-rail de la voie ce qui aura déterminé l'écartement des rails. Le choc fut très violent, car les tendons du troisième wagon et les chaînons des wagons de queue ont été brisés.
Un beau monstre d'acier
Il est vrai qu'en ce temps là, la vitesse était règlementée, en campagne à 50 km/h et en agglomération à 25 km/h. En certains endroits difficiles on ne pouvait même pas dépasser les 6 km/h, car les passages à niveaux gardés n'existaient pas. Ce qui a sûrement contribué à limiter les dégâts.
La mariée était en noir
Ce petit train polyvalent servait aux transports de passagers et de marchandises, voire même, pour l'occasion, à des mariages. Une vieille carte postale immortalise une mariée prenant place en robe blanche, la blancheur de la robe n'était pas du tout garantie durant le trajet et la mariée avait de forte chance de se retrouver en noir à l'arrivée.
A
Retour à la case départ
Bien des anecdotes amusantes qui seraient assez mal prises de nos jours, restent graver dans les mémoires des chauffeurs du petit train. Une fois, le conducteur a mal interprété les gestes d'un cheminot et a fait démarrer le train, laissant en gare la moitié des voyageurs dans les wagons qui n'étaient pas tous accrochés.
Le chef de gare de la station suivante le voyant arriver avec la moitié du chargement lui fit rebrousser chemin pour rechercher les voyageurs qui s'impatientaient, mais pas une seule plainte ne fut déposée.
Non chéri, pas de plainte, ma robe n'est même pas froissée !
Pour son dernier voyage 20 000 personnes s'étaient rassemblées le long des 32 haltes entre Paimpol et St-Brieuc pour le saluer une dernière fois et c'est avec nostalgie que les mains s'agitaient en signe d'adieu.
Jean-Yves ROLLAND